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Archives Mensuelles: août 2013

I

Il n’est plus l’heure de se retourner, la porte claquée sur les talons. On emprunte maintenant la route noire, la teinte de l’asphalte sans espoir, à peine guidé par la lumière des phares. Derrière soi, on laisse peut-être des souvenirs, mais il ne faut plus regarder ; les lumières de la ville s’éteignent dans l’ombre du beffroi et de ses aiguilles, dans la nuit des temps. De la buée sur la vitre et à peine un soupir dans le rétroviseur : pour aller où ? Puisqu’il le faut, on évitera la question. Simplement partir, plus loin, là-bas, pour voir, au moins, comment c’est de l’autre côté. Le départ, sans bruit ni fureur, simplement le bourdonnement de la route, une légère inquiétude. Presque sans s’en apercevoir, si ce n’est le poids des valises, on arrive à la gare. Tous les trains se ressemblent et les heures passent sur le quai, seuls les destinations changent. Quand on se lève enfin, on s’accroche aux promesses d’un nom; où va ce train ? Il ne s’agirait pas de manquer le train en partance pour…

 

            D’où venez-vous ? J’ai suivi la ligne et de fils électriques en arrêt, je suis là. Prêt à embarquer. Le train reprend sa course dans quelques minutes. L’heure des au revoir, trop hésitants pour être des adieux. Rien ne saurait être définitif au bout du monde, pas plus qu’ici. Les portes bientôt se referment sur les mouchoirs, ou un rêve, dans un léger froissement de tôle. Rien qu’un au revoir, sans effusion ni pleurs. Le beau voyage à raconter au retour.

 

            Avec la vitesse, tout devint flou, il n’y avait plus le temps d’attendre. Pas davantage de place assise, il n’y avait qu’à rester là, debout, droit et sans tomber. L’œil au loin sur l’horizon vague et la seule perspective d’une longue suite de voitures ne laissait aucune ligne de fuite. La locomotive avale les mètres, sans détour, les kilomètres sans retour. D’un point A à B, une ligne et par la fenêtre semble-t-il toujours les même paysage. On ne voit ni le chemin parcouru, ni le reste à parcourir, aveugle ou presque. Serrés les uns contre les autres, chacun tient sa place jusqu’au passage du contrôleur. Pour affaire, pour la vie, question de cœurs ; pourquoi donc s’en aller ? Contrôle des tickets, il a laissé passer sans rien demander d’autre que son dû, le prix de la traversée. Quelques numéros ont suffi, pour toute identité cette série de chiffres comme autant de qualificatifs: s’est-il seulement arrêté au visage ? On l’a laissé partir, il avait tous ses chiffres, sans doute aussi ses lettres.

Poème en 3 pièces. Janvier 2013Image
Publication Nord’ – Juillet 2013