Un manteau

C’est une introduction, un geste d’invite. C’est mon manteau que j’entrouvre pour offrir juste un petit peu plus de ma personne. N’être pas qu’une silhouette. Prouver qu’entre le col et la ceinture il n’y a pas que du vide. Ne jamais fermer le dernier bouton ; un point de non retour. Respirer avec le tissu, dans mes grands mouvements, en marchant. Un pas après l’autre, les pans de la veste m’accompagnent, ils battent une mesure bohème, irrégulière ; c’est le rythme de ma marche. Pressé, le temps est dans la course, parti avant moi. A pas lent, résigné, où mettre mes pas ? Les poings dans mes poches, c’est commode de se ranger ainsi soi même, et de ne plus s’en soucier. Mais si la poche est trouée, fuirais-je ? L’imperméable me protège de la pluie, si je « pleus » je ne rejoindrais pas les flaques, on me repêchera. Il doit y avoir un corps sous ce vêtement. Le vêtement est voué à la peau, à l’homme, à l’usure. C’est une forme dans laquelle je me glisse et qui fait corps avec moi, et par temps de pluie. Sans cette coquille, couleur de noix, informe je ne suis qu’un fond, un puits sans fond. Je me dévêts d’un geste, comme un oiseau prend son envol je perds mes plumes et l’imper. Mais l’Intérieur ne me vaut rien, et aussitôt je repars, une manche après l’autre ; d’autres combats. Une main de chaque côté, je m’enveloppe et disparais l’espace d’un instant, ceinturé par quelques brumes et pensées. A la main, le col ajusté, plusieurs fois, sur le cou, il faut voir et aller de l’avant. Pas à pas, manche après manche, le manteau marche, dessous : moi.

Mars 2011, dans le cadre des Essayages- atelier théâtre du Channel

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